62

 

Confronter une personne avec son ombre, c’est lui montrer sa propre lumière.

Carl Jung.

 

Les sapeurs de l’Orbiteur flottaient dans leurs drôles de combinaisons spatiales de part et d’autre du corridor donnant accès à la salle du N.P.O. La plupart étaient des femmes, comme la majorité de l’équipage de la nef spatiale. Chacun portait à sa ceinture une panoplie d’outils leur permettant de s’introduire partout et quelques-uns poussaient devant eux des conteneurs de gaz inerte tandis qu’ils patrouillaient derrière Béatriz. Tous avaient quitté leur poste de travail pour faire front contre la menace d’incendie. Seul le vide non contrôlé était plus redouté que le feu à bord de la station orbitale. Les plaisanteries lapidaires qu’ils échangeaient par l’intermédiaire des communicateurs de leurs casques faisaient ressortir la nervosité que trahissaient leurs yeux.

Béatriz se doutait depuis le début que le jeune garde de la sécurité qui s’était enfermé dans la salle du N.P.O. essayait de connecter celui-ci. Le jeune officier des sapeurs qui était resté avec elle était un ingénieur en construction spatiale nommé Hubbard. Comme tous les membres de la brigade anti-incendie, c’était un volontaire, habitué à faire le double de travail en deux fois moins de temps. Il déploya ses hommes selon leurs compétences dans leur domaine professionnel réel. Au bout de quelques instants, tous les coffrets à fusibles du secteur étaient ouverts et leurs entrailles pendaient dans le couloir.

Quatre femmes mirent en position deux défonceuses de plastacier, la première face à la porte et la seconde à la jonction de la cloison de la salle du N.P.O. Le bras articulé de chaque défonceuse pesait à lui seul près d’une demi-tonne, mais le seul problème qui se posait ici, près du moyeu, était celui de l’encombrement pour les manœuvres.

Ces femmes doivent vivre ici depuis la création de la station, se dit Béatriz.

Elles se servaient de leurs pieds avec la même dextérité que Béatriz quand elle utilisait ses mains, et leurs scaphandres étaient adaptés à la capacité préhensile de leurs orteils. La première fois que Béatriz avait visité l’Orbiteur, elle avait cru que cette faculté venait d’une sélection génétique particulière chez les Iliens. Mais ses visites ultérieures lui avaient démontré son erreur. Macintosh lui aussi avait beaucoup de facilité à se servir de ses pieds et de ses orteils. Son scaphandre reflétait également cette évolution.

— Occupez-le encore un quart d’heure, lui dit Hubbard, et nous lui tomberons dessus.

— Ces gens-là ont massacré toute mon équipe, lui dit Béatriz. Je les ai entendus plaisanter sur la manière dont ils allaient liquider votre force de sécurité, et je les ai vus passer ensuite à l’action. Leur tomber dessus dans un quart d’heure ne suffira pas à sauver cette… ce N.P.O.

— Comment vous y prendriez-vous ?

Elle ne décela pas d’ironie dans la voix du premier maître, mais simplement une impatience liée à l’urgence de la situation.

— J’ai aidé Mack à installer quelques-uns des appareillages de cette salle. Je sais qu’il y a un boyau d’entretien qui part du panneau de contrôle de la section voisine pour aboutir au milieu des consoles à l’intérieur de cette salle. Je sais par où il faut passer et…

— Il y a Shorty, ici, qui est capable de se glisser dans de tout petits espaces, l’interrompit Hubbard. Elle pourrait détourner leur alimentation d’air et leur envoyer du CO2 à la…

— Non, fit Béatriz. Ce serait trop risqué. Le N.P.O. ne serait pas affecté, mais j’ai déjà eu l’occasion de voir des gens pris de panique lorsque l’oxygène commençait à baisser. Nous voulons qu’ils gardent leur calme. Ils pourraient se mettre à tirer sur n’importe quoi.

— Vous avez raison, approuva Hubbard. Shorty, va demander à Cronin de nous préparer une de ces potions chimiques dont il a le secret. Je veux que ce type-là soit dans les vapes en un clin d’œil, avec tous ceux qui l’accompagnent. Mais personne, et surtout pas le N.P.O., ne doit conserver de séquelles quand tout sera fini. C’est bien compris ?

— D’accord, chef.

— Écoutez-moi tous, ordonna Hubbard. Vous allez régler vos communicateurs sur le signal d’opérations à fréquence d’activation vocale trois cent trente et un. De cette manière, expliqua-t-il à Béatriz, il ne nous entendra pas quand nous parlerons et nous n’aurons pas besoin d’avoir recours à l’interphone.

Il fit lui-même les réglages sur le scaphandre de Béatriz. Elle désigna les outils à sa ceinture.

— Faites-moi voir ce que vous avez là, dit-elle. Avec un peu de chance, je pourrai commander le fonctionnement d’une partie des capteurs de la salle par l’intermédiaire de la boîte de l’interphone. Cela nous aiderait, d’avoir des yeux et des oreilles.

Elle fit glisser le capot de la boîte. À l’intérieur brillait une faible lueur. Ce n’était pas une lueur électrique, ni le rougeoiement incandescent d’un fil à nu, ni l’éclair blanc-bleu d’un court-circuit. C’était une lumière pâle et froide, animée d’une légère pulsation qui semblait s’intensifier sous son regard.

La main de Hubbard se posa instinctivement sur une petite bombe à mousse passée à sa ceinture, mais Béatriz l’arrêta.

— Ce doit être de la luciférase, provenant des fils de varech que nous avons installés ici l’an dernier, dit-elle.

Elle choisit un détecteur de courant dans la panoplie de Hubbard et l’appliqua sur l’un des câbles du faisceau inhabituel.

— Des fils de varech ? demanda Hubbard. Qu’est-ce qu’il a donc câblé avec des fils de…

— Les circuits câblés avec le varech ne craignent pas la surcharge. Ils possèdent aussi une mémoire incorporée, entre autres avantages. Nous les avons utilisés, nous aussi, à l’holovision. Bon, il y a quelque chose qui passe, on dirait… ajouta-t-elle en voyant réagir l’appareil au creux de sa main. Mais je n’appellerais pas ça exactement un courant. Disons une excitation…

Au moment où le dos nu de sa main effleura le faisceau de fibres, Béatriz entrevit soudain de manière imprévue l’intérieur de la salle du N.P.O. Le jeune garde était assis au fond du labo, son laser prêt à tirer, les yeux agrandis et visiblement terrorisés. Béatriz voyait la scène à partir de deux points d’observation différents. Le premier était situé à mi-hauteur de la cloison, derrière le N.P.O. C’était sans doute la prise qui correspondait au câble qu’elle touchait. L’autre se trouvait à peu près à hauteur de ceinture, face au garde, et elle se rendit compte avec effroi qu’elle regardait de l’intérieur du cerveau d’Alyssa Marsh. Le jeune garde n’arrêtait pas de tirer et de pousser nerveusement le cran de sécurité de son laser.

— Il faut que quelqu’un y aille, chuchota-t-elle. Envoyez quelqu’un avant qu’il ne craque et ne se mette à tirer sur tout le monde.

Elle saisit le faisceau de fibres tout entier dans sa main et entendit confusément Hubbard qui donnait ses ordres. Elle se sentait attirée dans les deux sens à l’intérieur des fibres, comme si elle voyait à travers plusieurs paires d’yeux à la fois. Comme elle se sentait perdre le sentiment de sa propre existence en s’éloignant dans le faisceau, elle agrippa fermement une poignée de la cloison pour obliger le courant à revenir vers elle.

Je ne peux pas laisser cette situation continuer, se dit-elle. Il faut que cela cesse. Oh, Ben ! Comme tu avais raison !

C’était à la limite de ce qu’elle pouvait supporter, mais elle se sentait magnétisée. Elle savait qu’elle pouvait lâcher les fibres, faire cesser la chute vertigineuse à travers le tunnel de lumière, mais son instinct de journaliste de choc lui disait de tenir bon coûte que coûte jusqu’à la fin du parcours. Elle franchit comme un éclair les circuits de l’Orbiteur et de la nef spatiale puis se sentit tomber vers la surface de la planète. La main crispée sur sa prise, elle se demandait quel était ce gémissement sourd qu’elle entendait à l’arrière-plan, jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive qu’il venait d’elle.

Elle servait de foyer de convection au varech. Le jeune garde à la figure pâle, aux grandes oreilles et aux dents pointues se trouvait à peine à un mètre d’elle.

Les yeux d’Alyssa, se dit-elle en réprimant un frisson. Je suis devenue les yeux d’Alyssa.

Les mains du tech tremblaient tout en continuant leur travail et chaque fois qu’une nouvelle fibre était mise en place la lueur irréelle devenait un peu plus intense.

— Brood n’avait pas parlé de trucs de ce genre, dit le jeune garde d’une voix plus nerveuse que jamais. Vous croyez que c’est normal ?

— Je n’en sais rien, fit le tech dans un souffle où Béatriz décela un peu plus que de la peur. Vous voulez que j’arrête ?

Le garde se gratta le front, sans quitter le N.P.O. des yeux. Béatriz savait qu’il ne voyait que le cerveau d’Alyssa Marsh en train d’être connecté à un réseau de neurones issus du varech, mais c’était elle, Béatriz, qui était là et qui regardait en retour ses cheveux mouillés de transpiration et les cercles foncés qui s’étalaient sous ses aisselles.

Est-ce la situation qui lui fait peur ? Ou bien le N.P.O. ?

Il était d’extraction îlienne, et il y avait peut-être une superstition derrière cela. Ce n’était pas une anomalie physique qui pouvait lui faire peur. Un Sirénien pourrait avoir du mal à se trouver face à un cerveau vivant, mais il n’y avait là que de quoi faire hausser les épaules à un Ilien.

— Non, dit-il. Il nous a ordonné de réaliser cette connexion quoi qu’il arrive. Mais j’aimerais bien qu’il nous réponde quand même.

Le garde tourna un bouton sur son messager pour essayer encore.

— Capitaine, ici Leadbelly. Terminé.

La seule réponse fut un bruit de friture dans l’écouteur.

— Capitaine, vous me recevez ?

Toujours pas la moindre réponse. Leadbelly fit un pas de côté vers l’interphone qui se trouvait près de la porte. L’absence presque totale de gravité l’empêchait de rester le dos collé à la paroi.

— Quel est le code du Contrôle des Courants ?

— Deux cent vingt-quatre, lui répondit le tech sans relever les yeux de son travail. Il y a un relais d’activation vocale.

Le garde tapa les trois chiffres. Aussitôt, la lueur s’intensifia au point de devenir presque insupportable. Il arma son laser avec un clic-clac métallique. Béatriz s’entendit crier :

— Non ! Non !

Au même instant, Shorty se propulsa, comme un boulet de canon, hors du boyau d’entretien, et atterrit sur les épaules de Leadbelly. Le garde poussa un hurlement en faisant un bond de côté. Leadbelly cria dans l’interphone quelques mots incohérents.

Son laser cracha une giclée d’énergie et en même temps l’univers entier se mit à tourner au ralenti pour Béatriz. Elle vit la flamme sortir du canon et se diriger droit sur elle comme si elle était guidée par un fil.

C’est impossible ! Un laser tire à la vitesse de la lumière !

La distance entre le canon et elle était si courte que la charge n’avait pas fini de sortir du laser lorsqu’elle atteignit le halo lumineux qui entourait le cerveau d’Alyssa Marsh. Béatriz vit l’arme se faire aspirer toute son énergie en moins d’un battement. Leadbelly hurla de nouveau en se débattant pour lâcher l’arme devenue brûlante. Mais déjà les chairs de sa main étaient collées à la crosse rougeoyante. Shorty s’était agrippée à lui des deux mains et des deux pieds et ils tournoyèrent au milieu de la salle. La charge avait déclenché une réaction dans le halo, qui entourait maintenant Béatriz. Mais elle ne ressentait, curieusement, aucune crainte.

Un calme apaisant régnait à l’intérieur de la sphère brillante où elle se trouvait. Elle se sentait au centre d’un cocon translucide rayonnant d’une chaude lumière jaune.

C’est exactement la sensation imitée par les « filets » de Mack, se dit-elle.

Elle se sentait réconfortée par le bruissement familier de quelque gigantesque marée à ses oreilles et elle sentait, plus qu’elle ne la voyait, la présence de la lumière tout autour d’elle.

Le centre. Je suis au centre de… moi !

Une porte lui apparut et, bien qu’elle n’eût bougé ni pied ni main, elle l’ouvrit toute grande. Elle vit devant elle son frère quand il avait onze ans, torse nu, bronzé, avec quatre lourds lézards qui pendaient à sa ceinture.

— J’en ai échangé trois au marché contre du café, dit-il en laissant tomber un petit sac devant elle sur la table. Tu as réussi à avoir cette bourse pour continuer tes études à l’université, mais ça ne doit pas suffire pour couvrir tous les frais. S’il t’en faut encore, fais-moi signe.

Elle avait eu seize ans ce jour-là et elle n’avait pas su comment le remercier. Il était sorti rapidement par la porte ovale, les lézards morts ballottant dans un bruit mou à sa ceinture.

Plusieurs portes défilèrent en un éclair, chacune laissant entrevoir l’artère des années à laquelle elle était reliée. Certaines donnaient sur les impasses des années qui auraient pu être mais n’avaient pas été. Elle en poussa une autre, une lourde porte îlienne faite pour résister aux intempéries, et se retrouva à l’intérieur du premier refuge que sa famille avait occupé sur la terre ferme. C’était une structure à base d’organiques, comme les îles, mais la matière avait un aspect plus foncé et plus fragile que celle qui était utilisée sur les mers.

Son grand-père était là, levant un verre de vin de bourgeons, et toute la famille portait un toast avec lui.

— À la santé de notre chère Béa, diplômée de l’École d’Holographie, qui vient d’être promue directrice de plateau aux Nouvelles du Soir de l’holovision.

Elle n’avait jamais oublié ce toast. Il coïncidait avec le quatre cent soixante-quinzième anniversaire du départ de Nef de Pandore, qui était l’occasion, année après année, d’une sombre célébration au cours de laquelle on laissait toujours une place vide à table. À l’origine, c’était pour symboliser l’absence de Nef ; mais depuis une époque récente, le geste était interprété comme le désir de perpétuer le souvenir d’un mort de la famille.

— Nef nous a fait une grande faveur en s’en allant, déclara l’aïeul.

Un murmure de protestations s’éleva. Béatriz, qui ne se souvenait pas de cette conversation dans le passé, prêta l’oreille, intéressée.

— Nef nous a laissé les caissons hyber, c’est vrai, poursuivit son grand-père, mais c’est nous qui sommes allés là-haut pour les récupérer. Nous avons fait cela sans l’aide de personne, sans rien utiliser de ce qu’ils contenaient. Voilà le seul secret qui nous sortira de notre déchéance. Notre propre génie, notre propre ténacité. Nous-mêmes. Flatterie n’est qu’un enfant gâté comme les autres, qui attend que les choses lui tombent toutes cuites dans les mains. Tu parles d’ascension, petite mère. C’est nous qui sommes le facteur ascension. Grâce à Nef, nous nous dresserons un jour pour saluer l’aube et nous ne cesserons plus jamais, par la suite, de nous élever. Tu es bien d’accord avec moi, fillette, n’est-ce pas ?

Le rire collectif s’estompa et il n’y eut plus devant elle qu’une seule porte qui flottait tel un éblouissant joyau bleu. Elle ressemblait, cette fois-ci, aux portes ovales de l’Orbiteur, mais elle prenait ses racines dans le sol au lieu d’être découpée dans la cloison. Sur le panneau de lumière miroitante se lisaient les deux mots : « Le Présent ». Elle tendit la main vers la barre de verrouillage et sentit le contact satiné du métal dans sa main. Elle ouvrit la porte et plongea de l’autre côté.

Elle eut de nouveau cette sensation de chute vertigineuse, comme la première fois où elle avait essayé de se déplacer sous la gravité presque nulle du moyeu de l’Orbiteur. Elle percevait tout ce qui était autour d’elle comme si elle avait un corps hyper-alerte, mais rien ne lui confirmait l’existence de ce corps. Elle sentait également la présence d’autres personnes, pas très loin, et une partie de cette sensation lui disait qu’elle n’avait rien à craindre.

Le halo translucide autour d’elle se dédoubla et prit de plus en plus de consistance, formant une ombre à son épaule gauche. En l’espace d’un battement, l’ombre se matérialisa sous la forme de Nano Macintosh.

— Béatriz !

Il l’enveloppa dans ses bras et déposa un baiser sur ses lèvres.

— Maintenant, je sais que je suis mort, dit-il en riant. Nous devons être au paradis.

— Nous ne sommes pas morts, lui dit Béatriz, mais nous sommes peut-être au paradis, effectivement. Il s’est passé quelque chose dans les circuits du varech. Je sais que je tiens toujours ce faisceau de câbles dans ma main, près de la salle du N.P.O., mais je sais aussi que je suis ici avec toi.

— Oui… c’est la même chose pour moi. Les circuits du varech et le foyer holo du Contrôle des Courants ont émis une lueur. Puis les écrans. Le monde entier semblait illuminé. Au début, j’ai cru que c’était en rapport avec ces tueurs que Flatterie nous a envoyés. Mais je pense maintenant qu’il y a plutôt une relation avec les anomalies de la grille et que ton ami Ben Ozette y est pour quelque chose, ainsi que Crista Galli.

— Mais comment serait-ce possible ? Nous sommes en orbite. Le varech avec lequel nous sommes en contact est coupé de tout le reste. Il ne peut s’agir que de distorsions psychiques. Évidemment, cela n’explique pas comment tu es ici avec moi.

— C’est la lumière. Le varech utilise des signaux chimiques pour communiquer. Il y a longtemps que nous savons cela. Mais nous lui avons appris récemment à se servir de la lumière. Ce foyer holo que je lui ai construit dans un but expérimental… il fonctionne parfaitement, et tous les éléments qui le constituent viennent du varech, mais celui-ci est allé encore plus loin. Il utilise des fragments de lumière, les décompose en différents constituants, les encode chimiquement ou électriquement puis les reproduit à volonté. C’est un processus que j’ai affiné à partir de ce que les spécialistes de la cryptographie appelaient un « système de codage numérique ». Mais tu en sais bien plus que moi en holographie. C’est à toi de m’expliquer ce qui se passe.

— Si tu ne te trompes pas, s’il s’agit bien d’holographie, cela signifie que le varech a appris à se servir des propriétés aussi bien ondulatoires que corpusculaires de la lumière. Nous pouvons nous toucher, nous ne sommes pas que des projections holo. C’est évident, n’est-ce pas ? Peut-être a-t-il découvert une autre dimension.

— Oui, fit alors une voix féminine. Nous sommes un réagencement de lumière et d’ombre. Là où la lumière va, nous allons.

— Êtes-vous… Avata ? interrogea Béatriz.

Un rire cristallin lui répondit. Un rire qui évoquait la douceur du clair de lune à la surface d’une eau calme. Une troisième forme commença sa mystérieuse matérialisation à partir d’un cocon lumineux. C’était une jeune femme aussi radieuse que la lumière qui l’entourait et elle était difficilement visible pour cette raison. Mais Béatriz la reconnut aussitôt.

— Crista Galli ! s’exclama-t-elle.

Elle cherchait des yeux une autre présence, celle de Ben, mais elle ne voyait pas au-delà de la sphère translucide qui les entourait.

— Ne vous inquiétez pas, Béatriz. Ben et Rico sont avec moi, de la même manière que le docteur Macintosh et vous êtes avec l’équipage de l’Orbiteur. Ce qu’ils voient en ce moment, ce sont les coquilles de nos êtres, nos enveloppes. Ce qui est réuni ici, ce sont nos véritables êtres.

— Mais je vous vois, je vous entends, dit Mack. Et Béatriz et moi nous nous sommes touchés.

Crista émit un nouveau rire et Béatriz sentit monter en elle une hilarité qu’elle ne put réprimer.

Je suis en sécurité ici. Ni Brood ni Flatterie ne peuvent m’atteindre.

— C’est exact, nous sommes tous en sécurité ici, lui dit Crista. Béatriz s’apercevait que la pensée pouvait remplacer la parole dans ce lieu étrange.

Mais peut-on appeler cela un endroit ?

— Oui, c’est bien un endroit, peuplé de personnes et de choses. Docteur Macintosh, nous possédons une substance parce que nos esprits ont accompli un saut perceptuel en même temps que la lumière. Les choses changent pour s’adapter à nos différents subconscients. Avez-vous vu beaucoup de portes sur votre passage ?

Béatriz le vit tendre les mains devant lui puis regarder ses pieds, intrigué.

— Oui, dit-il, mais je…

— L’une d’elles a dû évoquer pour vous un souvenir agréable et vous l’avez ouverte ?

— Oui, pour me retrouver ici.

— C’est la même chose en ce qui me concerne, déclara Béatriz. Mais il y en avait une autre, avant, qui conduisait… dans le passé. J’ai revu ma famille il y a des années de cela.

— C’était pour Avata une manière de vous rassurer, lui dit Crista. Avata vous a conduite dans un endroit réconfortant et familier. Vous avez eu beaucoup d’émotions violentes ces derniers temps. Avata ne vous veut pas terrorisée mais en pleine possession de vos talents professionnels, qui vont lui servir.

— Mes talents professionnels ? s’étonna Béatriz avec un geste qui englobait tout ce qu’il y avait autour d’eux. À quoi pourraient-ils bien servir ici ?

— Vous le verrez bientôt. Faites comme si nous étions dans le studio de la Voix de l’Ombre. Le plus grand studio holo du monde, dont le foyer serait la planète entière. Nous allons mettre Flatterie sur le devant de la scène. Nous allons le montrer au monde entier. Que se passera-t-il ?

— Il faut empêcher les gens de s’entre-déchirer, intervint Macintosh. Comme il leur est inaccessible, ils vont s’en prendre aux rouages de son pouvoir. Et par là même ils nous mettront tous en danger, y compris Avata. Faire de Flatterie un point de mire est beaucoup plus risqué que vous ne le croyez.

— Mais il faut tenir compte des moyens employés, lui dit Béatriz. L’impact sera extraordinaire. Cela apparaîtra comme un message des dieux, une vision, un miracle.

— Au Contrôle des Courants, j’ai vu cette lumière briller au-dessus de tous les gisements de varech, fit Macintosh. Ce n’était pas une illusion ?

— Non, répondit Crista Galli en secouant la tête. Ce n’en est pas une.

— Dans ce cas, l’attention du monde entier est déjà mobilisée, n’est-ce pas ? Tout le monde a dû interrompre ses occupations pour aller voir ça.

— Les miens se sont arrêtés assez longtemps pour jouir du spectacle, fit une nouvelle voix. Ils se dirigent actuellement vers Kalaloch avec tout ce qu’ils possèdent.

Une forme de plus se matérialisa dans la lumière. C’était un jeune homme athlétique aux cheveux roux. Bien que Béatriz n’eût jamais rencontré Kaleb Norton-Wang avant cet instant, elle sut immédiatement qui il était et elle se rendit compte qu’elle connaissait sa vie aussi bien qu’elle connaissait son propre passé. Au même instant, elle s’aperçut qu’il en était de même en ce qui concernait Crista Galli et Mack.

Ils me connaissent donc de la même façon !

Elle vit le sourire, sur les lèvres de Mack, qui faisait écho à cette pensée.

— Nous faisons maintenant partie d’Avata, déclara Crista. Il y en a d’autres sur le même courant, mais nous avons étés choisis spécialement pour être les ambassadeurs d’Avata auprès de notre espèce. Vous pensiez, docteur Macintosh, que j’étais une création du varech. Jusqu’à ce jour, je ne connaissais pas moi-même mes origines. Mais je sais maintenant que je dois ma vie à Avata et ma naissance à l’humanité. Quant à mes allégeances, elles appartiennent aux deux. Ne sommes-nous pas tous d’accord sur ce point ?

— Nous le sommes, approuva Béatriz. Mais Flatterie doit être neutralisé et ces massacres doivent cesser. Comment parvenir à un tel résultat sans nous transformer, nous aussi, en escadron de la mort ?

Elle s’interrompit. Elle sentait en elle un jaillissement de lumière où elle voyait se jouer la scène de l’affrontement avec Nervi sur la grève. Elle découvrit alors un aspect intéressant de la fusion dans le sein d’Avata. Ils pouvaient tous parler en même temps et chacun suivait aisément ce que tous les autres disaient.

— Je peux m’adresser à tous les miens, disait Kaleb, par l’intermédiaire du varech – c’est-à-dire d’Avata –, en utilisant la même méthode que celle qui vous a servi à vaincre Nervi. Qui serait capable de résister à une projection holo géante dans le ciel ?

— Je n’ai rien fait, moi, pour vaincre Nervi, disait Crista. Ben et moi avons été de simples témoins. Avata et Rico ont conçu cette magie ensemble, sans que l’on puisse prétendre que l’un se soit servi de l’autre.

— Je reconnais volontiers mon erreur, fit Kaleb en s’inclinant légèrement en avant. Comment allons-nous organiser notre coopération avec Avata ?

— C’est nous qui l’avons inaugurée en recherchant le contact avec Avata, pour différents motifs que nous connaissons tous à présent, expliqua Crista. Partout où il y a du varech, Avata peut créer des images holo. Comme vous le voyez, celles-ci s’améliorent sans cesse, même en ce moment. Nous pouvons nous toucher, nos perceptions sont complètes.

— Notre problème, c’est Flatterie, disait Mack. Il n’a jamais été facile de le persuader de quoi ce soit. Maintenant qu’il s’est transformé en despote, il se croit seul capable de décisions rationnelles. Il considère tout ce qui est extérieur à lui comme une menace. C’est un paranoïaque. Nous sommes donc à peu près certains qu’il s’est entouré de pièges d’une sorte ou d’une autre pour se protéger de toute attaque. Il ne faut pas oublier non plus sa formation de psychiatre. Il est capable de se défendre sur le plan physique aussi bien que psychique. La menace ultime, comme chacun sait, est que s’il meurt, Avata meurt aussi, avec la totalité des humains à plus ou moins brève échéance. Nous devons faire en sorte qu’il ne soit pas pris de panique et qu’il ne commence pas à activer ses détonateurs.

— Avata pourrait le… capturer, comme dans notre cas, proposa Kaleb. Il n’est pas du genre à se suicider, et cela nous laisserait le temps de nous retourner.

— Flatterie prend d’extraordinaires précautions pour éviter tout contact avec le varech, lui dit Crista. Il refuse même de faire entrer une seule feuille de papier de varech dans sa résidence. La seule solution est de l’attirer dehors.

— Ou de le chasser de chez lui, fit Kaleb.

— Sinon, il faudrait que ce soit le varech qui aille à lui, dit pensivement Béatriz. Peut-être avec l’aide des Zavatariens…

Oui, fit à ce moment-là une voix qui venait de partout à la fois. Oui, les Zavatariens.

Soudain, la lumière devint transparente autour d’eux et Béatriz vit, étalées au-dessous d’elle, les ruines meurtries et fumantes de Kalaloch. Elle flottait au-dessus de la colonie à une assez grande hauteur, en éprouvant une sensation de bien-être qui ne pouvait venir que du vent qui la portait.

— Ah ! Béatriz ! Vous avez trouvé la gyflotte, dit la voix de Crista. Joignons nos mains tous ensemble dans le sein d’Avata, à présent.

Béatriz avait vaguement conscience de son existence dans le cocon de lumière. Elle sentait la main de Mack à sa droite et celle de Kaleb à sa gauche, mais les sensations qu’elle éprouvait lui venaient des perceptions de la gyflotte qui décrivait des cercles de plus en plus étroits au-dessus du domaine de Flatterie.

Trois autres gyflottes tournaient dans le ciel avec elle, chacune battant des ailes pour adresser aux autres le salut traditionnel de l’espèce.

Elle se laissa planer au-dessus des restes noircis de la gyflotte qui avait fait récemment explosion. Des centaines de silhouettes sortaient des rochers et des ruines pour se diriger vers le domaine de Flatterie. Beaucoup d’entre elles portaient le treillis de ses propres forces de sécurité.

— Nous devons arriver jusqu’à Flatterie avant ces gens, déclara Crista. S’ils le tuent, il n’y aura plus aucun espoir pour Avata ni pour aucun d’entre nous.

Béatriz lâcha un peu d’hydrogène et descendit plus près en resserrant sa courbe. Certains des combattants montraient du doigt les gyflottes dans le ciel, mais aucun ne leva son arme pour leur tirer dessus.

Tout le monde côté surface est dans le même camp à présent, se dit-elle. Faire exploser une gyflotte serait pour eux un vrai suicide.

Elle se demandait si Flatterie avait encore des fidèles postés dans les collines avoisinantes.

Maintenant qu’elle n’était plus qu’à quelques centaines de mètres au-dessus du domaine, elle commençait à apercevoir des dizaines de silhouettes en combinaison orange qui sortaient d’abris souterrains dans tout le secteur. Ils furent bientôt cinquante, cent, et même davantage. Tous des Zavatariens appartenant au Clan des Gyflottes. Les rapraps avaient fui la zone des combats et des incendies pour se réfugier dans leurs terriers autour du domaine et les Zavatariens, à mesure qu’ils progressaient, plantaient de petits drapeaux orange à l’entrée de ces terriers.

Ils montrent aux gens du village la manière de pénétrer dans sa place forte, pensa Béatriz. Si nous pouvons y arriver les premiers, Flatterie sera pris au piège.

— Excellent ! fit la voix de Mack. Et même si nous échouons, il lui restera la possibilité de fuir par la mer, ce qui le mène tout droit dans les bras d’Avata.

Les trois autres gyflottes étaient énormes. Leurs prolongements souples remorquaient les gros blocs qui leur servaient de lest à près de cinquante mètres en dessous de leurs enveloppes gonflées d’hydrogène.

Du haut des airs, elle apercevait très bien les animaux sauvages que collectionnait Flatterie dans son jardin d’acclimatation. Ils s’étaient dispersés à la périphérie du domaine. Ces mystérieux animaux de la Terre représentaient un luxe extraordinaire. Ils étaient soignés et grassement nourris alors que les humains mouraient de faim, mais Béatriz ne regrettait pas leur survie.

Le peuple de Pandore saura s’occuper d’eux au moins aussi bien que Flatterie. Ben a raison. Il n’y a pas de pénurie de vivres mais seulement une répartition injustement sélective.

Elle descendit assez bas pour distinguer des Zavatariens qui agitaient les bras dans sa direction et lui criaient leurs saluts. Les extrémités de ses deux plus longs tentacules raclèrent douloureusement le sommet des wihis. Si près du sol, il lui était presque impossible de manœuvrer mais la gyflotte qui l’abritait n’éprouvait aucune angoisse.

Il ne faut pas avoir peur, humaine, lui dit la gyflotte par la voix d’Avata. Que la fin de cette enveloppe de spores marque notre naissance commune sur Pandore.

— Que… qu’entendez-vous par « la fin » ?

Contrairement à ce qui se passe pour les humains, nous sommes écrasées sous notre propre poids lorsque nous touchons le sol. Sans le feu ultime, la poussière de nos spores reste prise à jamais au piège de leur gaine.

— Vous voulez dire que si vous n’explosez pas, vos spores sont stériles ?

Oui. Nous sommes déjà trop bas pour remonter, n’est-ce pas ? Mais je continuerai de vivre en vous. Faites vite. Que les autres aussi se dépêchent. Trouvez un trou pour chaque tentacule. Chassez Flatterie de son repaire. Avata… Avata saura…

Béatriz avait l’impression d’avoir un bloc de lest sur la poitrine, qui l’empêchait de respirer librement. L’un après l’autre, chacun de ses dix tentacules se glissa dans l’un des terriers signalés par les Zavatariens et commença son cheminement dans les profondeurs de la roche pandorienne.

— Qu’est-ce que cela représente pour elles ? se demandait Béatriz avec ses amis. Quelque chose comme une mère étouffant son enfant qui pleure afin de sauver le village ?

Elle fit soudain partie des tentacules. C’était comme si elle avait tout à coup dix paires d’yeux et que la lumière de la gyflotte agonisante eût soudain transformé l’obscurité mystérieuse en une garenne d’épouvante. Des milliers d’yeux étaient fixés sur elle, des milliers de dents minuscules et acérées comme des aiguilles se découvraient dans un sourd sifflement hargneux. Elle rampa en avant et ils attaquèrent tous en même temps, arrachant voracement de pleines bouchées de tentacules tandis qu’elle les repoussait dans les profondeurs labyrinthiennes de la garenne.

— C’est insupportable ! hurla-t-elle. Ils me dévorent le visage ! Ce sont d’horribles petits monstres qui…

— Écoute-moi, Béatriz.

C’était la voix de Mack. Il n’était pas loin d’elle, mais il ne pouvait pas savoir ce qu’elle endurait ici. Il n’avait pas encore vu ces horribles et minuscules créatures aux dents pointues, acharnées et infatigables. Et elle ne pouvait même pas fermer les yeux, car il lui semblait que la gyflotte tout entière s’était transformée en yeux et qu’elle n’avait pas d’autre substance.

— Béatriz, réponds-moi, dis-moi quelque chose, suppliait Mack. Tu ne peux pas reculer maintenant. Je suis là, nous sommes tous là avec toi, nous nous donnons la main en Avata. Tu sais très bien que tu es en ce moment sur l’Orbiteur, que tu tiens dans ta main un faisceau de câbles du varech. Et tu ne me sens pas à tes côtés ? Je me pose en ce moment tout près de toi.

La voix d’Avata lui parla, et c’était celle d’Alyssa Marsh.

Quand vous vous rappellerez plus tard cet instant, vous direz que vous vous donniez la main, même si vous savez que ce n’est pas exactement ainsi que les choses se sont passées. Lorsque vous raconterez ce que vous avez fait, expliquez que vous vous teniez tous la main. C’est un symbole, les mains unies, de même que le poing crispé est un symbole. Choisissez celui des deux que vous voulez faire passer à la postérité. Avata vous a appris beaucoup par la chimie du toucher, l’« apprentissage à injection directe », comme certains l’ont appelé. Mais les humains assurent la survie de leur espèce en faisant appel aux symboles, aux légendes et aux mythes.

Elle sentait la présence d’Avata. Elle sentait un grand poids contre elle et l’autre masse, sur sa poitrine, l’oppressa moins. Elle put respirer librement. Elle se demanda si les gyflottes respiraient aussi.

Nous avons… plus de points communs avec vous… que de différences, lui répondit la présence. Je pousserai… un grand soupir avec vous… quand les circonstances… vous le permettront.

Les rapraps s’acharnaient toujours sur elle, arrachant de leurs horribles petites dents des lambeaux de son visage…

Des tentacules de gyflotte, lui rappela la voix.

— Je viens de me poser, fit la voix de Crista Galli.

— Moi aussi, dit Kaleb. Allons-y !

Les terriers étaient trop étroits pour que les rapraps puissent attaquer en essaims comme ils faisaient d’habitude. Les tentacules les repoussaient inexorablement au fond de la garenne et ils ne pouvaient que se retourner de temps à autre dans leur fuite pour arracher sauvagement un morceau de chair à leur ennemi. Béatriz pensait avoir introduit à peu près la moitié de la longueur de ses dix tentacules dans chaque terrier lorsqu’ils émergèrent de l’autre côté à l’air libre. Ce qu’elle vit alors avec les moignons déchiquetés de la gyflotte lui coupa le souffle.

Une cavalcade floue de petits animaux rapides traversait un parc magnifique, si splendide que Béatriz crut d’abord qu’elle avait une vision provoquée par l’agonie de la gyflotte. Mais elle entendit les cris d’horreur et les gémissements poussés par ses compagnons qui affrontaient les atroces rapraps et elle essaya de les réconforter en se concentrant sur le spectacle bucolique en face d’elle.

— Vous n’êtes pas loin, leur dit-elle. Courage, vous approchez. Ses moignons blessés flairaient les frondaisons chargées de fleurs.

Des mousses et des fougères pendaient de la voûte noire et brillante, tapissant la plus grande partie des parois. Elle n’avait pas le pouvoir d’empêcher la lumière de couler d’elle pour se répandre dans l’immense caverne, mais elle n’aurait pas choisi d’intervenir même si elle l’avait eu.

Elle entendit alors des hurlements venant d’un autre côté. Ceux d’un homme écorché jusqu’aux os. Elle l’aperçut. C’était un vieillard qui tentait frénétiquement de repousser la meute affolée des rapraps avec ses cisailles. Il sembla fondre à vue d’œil puis il tomba à la renverse et ses hurlements furent étouffés par les centaines de petites bêtes qui grouillaient sur lui.

Deux gros félins accoururent à la bataille. Ils étaient plus massifs et plus râblés que des capucins, mais ils n’étaient pas de taille à endiguer la marée de rapraps qui continuait à se déverser des trente galeries voisines.

Des gardes accoururent du lagon, précédés par le feu de leurs lasers, déchaînant un enfer de fumée noire. Mais ils ne firent pas le poids non plus devant l’essaim en furie.

Un hydroptère qui devait être celui de Flatterie plongea dans le bassin, aspergeant les parois dans son départ en catastrophe. Il n’y avait plus rien à faire ici pour Béatriz. Plutôt que de continuer à regarder ces horreurs, elle préféra se réfugier dans le sein d’Avata et dans le réconfort de la lumière.

Le Facteur ascension
titlepage.xhtml
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_040.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_041.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_042.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_043.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_044.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_045.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_046.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_047.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_048.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_049.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_050.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_051.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_052.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_053.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_054.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_055.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_056.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_057.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_058.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_059.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_060.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_061.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_062.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_063.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_064.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_065.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_066.html
Herbert,Frank-Ransom,Bill-[Conscience-4]Le Facteur ascension(1988).French.ebook.AlexandriZ_split_067.html